Même un Hamburger peut être à l’origine du design d’une montre !

En ce début d’après-midi ensoleillé, nous avons rendez-vous chez Urwerk afin de retrouver Martin Frei et parler design. Une vaste question qui nous excite.

Si tu veux un certain confort dans la découverte d’une marque, la première étape est de connaître son histoire et la deuxième est de comprendre le design des pièces. Car si tu le comprends, tu seras beaucoup plus à même de pouvoir les apprécier.

Et si tu veux comprendre le design d’Urwerk, rien de mieux que d’aller à la rencontre de Martin Frei, son co-fondateur et designer.

Martin Frei Urwerk
Dessin Martin Frei

Tu nous vois, l’un assis en face de l’autre, avec cette table de réunion qui nous sépare. Elle est comme la frontière qui sépare le professeur de l’élève. Elle n’est pas seulement une surface plane sur laquelle mon bloc note et nos cafés sont posés. Elle devient l’espace sur lequel l’univers de Martin va se dévoiler. Parler avec un créatif pour essayer de comprendre son art, c’est se plonger dans un univers qu’il nous décrit pour tâcher d’en capturer son essence. Car pour le moment, nous sommes seulement en contact avec ce que son univers crée.

Qu’est-ce qui fait qu’une montre Urwerk est une montre Urwerk ? Qu’est-ce qui suscite sa créativité et comment transforme-t-il sa créativité en quelque chose de tangible ? La largeur de la table représente-t-elle la distance qui nous sépare des réponses à ces questions ?

Un univers créatif en continuelle expansion

Aujourd’hui, je ne serais pas ton professeur. Nous sommes deux élèves. Deux curieux animés par une envie de comprendre. Tu es là à mes côtés, à essayer comme moi de comprendre et d’assimiler ce que notre professeur a à nous partager.

« Tu vois la UR 101 est inspirée du Millennium Falcon, lui-même inspiré d’un hamburger dont deux feuilles de salades sortaient. » Nous n’aurons peut-être pas les réponses que nous voulons. Il nous faudra décortiquer et chercher entre les lignes les aliments qui nous permettront d’alimenter notre faim.

UR 101 urwerk
UR 101 de Urwerk
Millenium Falcon
Millennium Falcon, vaisseau de Star Wars

Pendant sa jeunesse, il gardait un petit garçon. Au fond du jardin passait une rivière dans laquelle résidait un démon des eaux. Histoire que le père avait raconté à son enfant pour qu’il ne s’approche pas trop du rebord, lui évitant ainsi de tomber. 

Un jour Martin voit le petit revenir trempé et paniqué. Sans le faire exprès il était tombé et maintenant il craignait que le démon des eaux ne vienne le chercher. Afin de s’en défaire, il demanda à Martin de le dessiner et dès que ce fut fait, il alla chercher une paire de ciseaux afin de lui couper la tête. C’était sa façon à lui de se libérer du démon et de s’en débarrasser. Voila ce que permet le dessin. L’être humain a la capacité de dessiner des signes, des symboles et de leur donner une signification.

S’il permet d’illustrer une signification, le dessin permet aussi d’illustrer notre imaginaire. C’était sa façon à lui de donner vie au monde alimenté par son imagination. En observant ce qui l’entoure, en visitant le laboratoire de son papa physicien, son monde imaginaire pouvait quitter sa tête pour atterrir sur le papier.

Quel plaisir que de s’en sentir comme le créateur. Tu façonnes à ta guise ton monde. Tu en es le maître et il t’obéit, si tu veux que les voitures volent, elles voleront. Que ta volonté soit faite ! Lorsque tu as gouté à cette liberté, tu ne peux plus t’en séparer.

Lorsqu’il nous partage ses histoires, il nous transporte. Nous sommes avec lui à Zurich puis à Lucerne. Avec lui et son groupe d’amis artistes, nous participons aux expositions qu’ils créent. Le ton de sa voix est joyeux, ses yeux pétillent et ses mains animent ses phrases. Nous y voilà, la largeur de la table rétrécit et on se rapproche, on commence à rentrer dans ce qui nourrit son univers.

Univers qui est en constante expansion. Chaque jour, chaque objet, chaque rencontre l’alimente. Il ne fait qu’un avec la marque car le style de ses produits trouve ses origines dans ce qu’il a vu. L’ADN d’Urwerk est donc comme l’ADN d’un être humain, elle est en constante évolution. C’est pourquoi, lorsque nous lui demandons de le définir, il nous répond : « On est encore en train de le découvrir, c’est pourquoi je ne le connais pas encore. » Vouloir le définir et par conséquent le figer, ce serait comme lui ôter la vie. Ce serait comme venir poser des frontières à son univers créatif et faner sa créativité. Il est comme amoureux du processus de création. Sa quête est de continuellement trouver de nouveaux concepts, de les intégrer à son monde pour qu’ils voient le jour dans l’une de ses créations.

Lors d’un voyage vers Amsterdam, Martin, Félix et son frère quittent la Suisse à bord d’une Volvo des années 50. Son témoin de vitesse est linéaire et il captiva tellement Martin qu’il proposa à ses deux comparses de s’en inspirer pour l’une de leurs prochaines créations. Malgré quelques réticences, quelque temps plus tard la UR-CC1 voyait le jour.

URCC1 urwerk
URCC1 de Urwerk
Volvo-144-interieur
Témoin de vitesse Volvo 144

De nouvelles façons d’illustrer le temps

« Le concept de modernité est de ne pas vieillir. C’est là son essence. Tu dois toujours capturer ce qui arrive maintenant et essayer de l’exprimer sur le moment et chaque nouvelle Urwerk le fait un peu. » Et pour y arriver, il faut observer le monde.

Observe, regarde autour de toi. Recherche les détails, capture la vie qui t’entoure. Le monde se dévoile à nos yeux quand nous prenons le temps de l’observer. Quitte ton écran des yeux, ressens la texture des objets qui t’entourent. Tu ressens le vernis de la table ? La texture de notre tasse de café refroidis ?

La montre n’explique pas le temps, elle tente simplement de l’illustrer. C’est justement la mission que s’est donné Urwerk : trouver de nouvelles façons d’illustrer le temps. Et cette mission est un des éléments nous permettant de définir ce qu’est une Urwerk. En manipulant les boîtes qui sont en face de nous, Martin nous explique que son affichage peut être satellite comme circulaire ou linéaire. Qu’importe tant qu’il est différent. Vient après sa couronne. Habituellement placée à 12h comme pour la série UR-100, elle s’intègre dans la boite pour en préserver son équilibre.

Boîtes Urwerk

S’il était caché pendant un temps, le mécanisme de l’affichage des heures s’est dévoilé petit à petit. La technique se met au service de la beauté. Car oui, la technique ne peut pas être une limite.

Durant les premières années d’Urwerk le frère de Félix usinait les boites sur son vieux tour Schaublin. Mais la créativité de Martin le poussa ainsi que Felix à demander de l’aide et ainsi à manipuler de nouvelles machines.

Je ne sais pas toi, mais j’aurai tendance à dire que Martin n’est pas un artiste qui s’inscrit dans un style de création. Il apprécie par-dessus tout le processus de création et il se laisse guider par celui-ci. Qu’importe le style car ce qui compte c’est le processus créatif. C’est cette liberté qui protège l’ADN de la marque.

Lorsqu’un concept est trouvé et qu’il est partagé et discuté, arrive le moment où il faut lui donner une forme pour qu’il devienne imaginable. Et pour ce faire, Martin dessine. Lorsque l’imagination a été sondé et que les dessins ont été épurés, il passe à la 3D. Après quoi l’art laisse sa place à la technique.

Le temps est suspendu et le bruit alentour est étouffé, je l’observe. En l’écoutant j’ai compris. J’ai compris Martin Frei. En l’écoutant me raconter son histoire, en observant son univers imaginaire en me plongeant dans ses créations et dans ses yeux, j’ai vu un homme qui a réussi à préserver son imaginaire.

Sa plus grande réussite, c’est d’avoir trouvé un moyen de nous immerger dans son univers créatif en nous partageant ses créations.