Et si tu allais à l’encontre de ton amour pour l’horlogerie en créant plutôt qu’en recopiant ce qui te plais ? Le ferais-tu ?
Le syndrome de la page blanche, que je suis en train de vivre en couchant sur le papier ces quelques mots, est la réaction naturelle d’une créativité qui souhaite s’exprimer mais qui a peur que sa création ne la déçoive.
Notre amour pour l’horlogerie, aussi varié soit-il, a été déclenché par des montres, des rencontres. Nous savons ce qui nous plait et cette zone de confort se retrouve dans notre collection. Et pourtant, lorsqu’on est à la tête d’une jeune marque comme Formex, on se doit d’aller de l’avant en créant.
Vous êtes conscient que vous écrivez l’histoire de la marque. Cette même histoire qui en immobilise plus d’un lorsqu’elle est plus que centenaire. Vos archives infinies ne vous permettent pas de ressusciter un vieux modèle issu d’une période plus créative. Vous saisissez votre courage et vous décidez de quitter cet immobilisme en vous emparant de cette opportunité de créer.
Voilà ce qui nous a décidé à quitter Genève pour nous rendre à Bienne et retrouver Formex.
Assis confortablement dans la voiture, les kilomètres s’enchainent et la pluie commence à tomber. En venant percuter le parebrise, les gouttes d’eau dégagent comme une mélodie qui étouffe les bruits environnent et qui m’aide à m’échapper dans mes pensées.
Aujourd’hui il va falloir être efficace car Raphaël a un autre rendez-vous et les deux designers croulent sous le travail en cette période. Mon envie de comprendre toujours plus cette marque qui me tient à cœur, m’a poussé à proposer aux équipes de parler du design. Je suis fasciné par cette discipline.
Nous avons tous des idées qui nous passent par la tête mais certains arrivent à leur donner un corps, une forme. Qu’est-ce qui guide leurs gestes ? Quelles sont les règles qu’ils se donnent et qu’ils suivent pour que ce corps, cette forme séduise notre amour pour l’horlogerie ?
Des Formex, j’en ai porté et j’en ai même une au poignet pour ce voyage. Lorsque je la regarde, j’admire ses courbes et je me plonge dans son cadran, mais je sais au fond de moi qu’il me manque quelque chose.
Le regard s’aiguise, le goût se travaille et les papilles gustatives s’éduquent. C’est pour ces raisons que j’ai besoin de retourner voir Formex. Mon apprentissage n’est pas encore terminée pour pouvoir enfin pleinement apprécier leurs produits.
Le sourire jusqu’aux oreilles, l’esprit excité et la voiture qui finit sa course sur le parking : bientôt ma passion horlogère va grandir. En poussant la porte du bureau, une douce odeur de café chaud m’entoure et accentue ma joie. En plus d’avoir un délicieux café, l’accueil est toujours autant chaleureux. Les visages sont familiers et on s’y sent comme chez nous.
Alors que nous nous installons autours de la table, le stress commence à s’emparer de moi. Je sais que je n’arriverais pas à tout retenir et c’est pour cela que j’enregistre toujours. Mais vais-je réussir à saisir ce qu’ils me diront ? Vont-ils réussir à répondre à mes questions ? Leurs réponses vont-elles être suffisamment claires et précises comme je l’espère ?
C’est à mon tour de quitter cet immobilisme pour aller de l’avant. Ma soif de savoir est plus forte que les stress.
Tout le monde est bien installé, il est temps de sauter dans l’inconnu. Les montres présentent sur la table ont été poussées pour laisser place à bon nombre de croquis. Chaque centimètre carré de la table est bientôt recouvert. L’origine des montres Formex est sous mes yeux, il va falloir s’y plonger.
Comment pourrais-tu définir l’ADN de la marque ? Voici la première question qui ouvre le bal. Raphaël me répond : « en une phrase je dirai que c’est un design moderne et original mais aussi technique. »
Les détails fusent si bien que je sens que je commence à perdre le fil. Je n’entends plus que des mots : biseau, lunette, finesse, confort, couronne etc… Il faut réagir vite, j’interromps le designer qui parlait pour demander à son collègue de prendre l’exemple de la FIELD, de me la dessiner et d’y indiquer les détails importants.
Rassuré, les mots deviennent des phrases que mon cerveau comprend. Mon apprentissage peut reprendre.
Au sein de l’horlogerie, il y a plusieurs grandes familles de style de montre qui ont chacune leurs propres codes. Parmi elles, on retrouve la Dress Watch, la Sport Chic et la Montre Militaire aka la Field. Les codes de cette dernière, dans sa version classique, sont une boîte ronde avec des cornes et une bonne lisibilité.
La Field de Formex qui s’inscrit dans cette famille s’est inspirée de ces codes pour les réinterpréter. « Nous avons décidé de garder les éléments clés d’une montre Field, mais la boîte devait ressembler à un avion de chasse avec son côté mate du titane et en étant très anguleuse. Tu retrouves un aspect militaire sur la boîte, mais pas celui habituellement donné. »
Formée autour de l’univers des sports mécaniques et étant la contraction de Forme Extrême, la marque se devait pour la Field, de travailler sur la finesse et les courbes ergonomiques de la boîte.
Plus les minutes passent, plus les détails et les explications s’enchainent et plus je commence à saisir l’expression par le design de l’ADN de la marque. Ils n’ont pas de codes stylistiques rigides qui s’appliquent à chacune de leurs collections. Ils ont par contre une même volonté qui s’applique à chacune d’elles.
« On prend le risque de créer quelque chose d’un peu différent. On regarde les codes du style et on les remodèle à la sauce Formex. »
Ils prennent un risque ! Raphaël et ses designers sont des passionnés d’horlogerie et pour chacune de leurs créations ils décident de sortir de leur zone de confort. Elle-même créée par leur passion horlogère.
Maintenant lorsque je porterai mon regard sur ma Formex, je verrai ces designers enchainer les discussions, peaufinant leurs mood boards pour réinterpréter de la bonne manière le style qu’ils se sont fixé. Le tout en travaillant méthodiquement en commençant d’abord par la boîte puis en enchainant sur le cadran pour ensuite terminer avec les aiguilles.
Finalement, c’est ça ce qui fait le design de Formex. Un exercice de style qui demande de sortir de sa zone de confort mais qui se fait en groupe et dans le dialogue.
Je sors de là, la pluie n’a pas cessé. Aussitôt assis, je retourne dans mes pensées afin d’essayer d’y mettre de l’ordre. Pendant le trajet je réfléchis à haute voix avec Alix pour lui partager ce que j’ai compris.
Quelques jours plus tard, je me retrouve à mon bureau avec pour mission de te partager ce moment. Quitte donc ton immobilisme et accepte que tes tentatives de création ne correspondent pas aux attentes de ta passion horlogère.
Et toi, quel style aimerais-tu voir Formex réinterpréter ?